novembre 27

Jean-Marc Vaillancourt Président de la SSVPQ

Je suis de la période « classique », ayant terminé mes études de Licence (aujourd’hui Maîtrise) en 1962. À cette époque, il était facile de trouver du travail dans l’enseignement. Je suis donc devenu professeur de philosophie en 1963 jusqu’à ma retraite en 1996.

Au début, la philo était une matière de première importance. Un cours comportait cinq (5) périodes par semaine durant toute une année scolaire. Puis, avec les Cegeps, nous sommes passés à des cours de trois périodes par semaine… pendant une session. Et la session suivante… même situation, mais avec des élèves différents. On est donc passé de la continuité à la discontinuité. D’un professeur à plusieurs professeurs.

À la fin de ma carrière, il n’y avait plus que trois cours de philo (par rapport à quatre au début des Cegeps). Cette situation a été progressivement amenée par une contestation des cours de philo qui s’est répétée à peu près tous les dix ans. On voit l’usure s’installer. D’autre part, moins de cours… moins de professeurs. Probablement moins de suite d’un cours à l’autre.

On ne peut donc pas s’étonner qu’on soit passé de l’amour de la sagesse à la peur de ladite sagesse.

Pourtant, la philosophie est très précieuse. À l’intérieur de ma vie professionnelle, j’ai été amené à occuper la fonction de directeur général d’un collège. Même sans études spécifiques en administration, j’ai pu accomplir cette tâche grâce à ma formation et à mon enseignement.

Comme c’était au début du cours collégial, il fallait pratiquement structurer tous les programmes. Déjà, il faut avoir une vision globale de la philosophie de l’éducation. Et une philosophie de l’éducation est basée sur une conception de l’être humain. Le choix des matières dans une orientation ou une autre n’est pas que « boucher des trous dans un horaire ». Cela doit tenir compte de la spécialité choisie et de l’ouverture d’esprit de l’étudiant.

Lorsqu’on engage des professeurs, sans doute faut-il tenir compte des ressources financières.  Mais il faut d’abord se demander si on engage un « donneur de cours » ou un formateur. Et pour cela doit-on donner priorité à un professeur à temps plein ou à un chargé de cours.

S’agit-il de la négociation d’une convention collective, il faut donner priorité aux articles concernant la qualité de l’enseignement par rapport aux avantages sociaux, par exemple.

Il en est de même en ce qui a trait aux budgets. Où vont les sommes les plus importantes?  Sur la formation intellectuelle et morale ou sur la brique et le mortier?

La philosophie, dans cette étape de ma vie, m’a été d’un grand secours. Pour ce qui est de l’aspect administratif, on peut toujours avoir du personnel pour nous aider. Mais sur la vision et les finalités, l’administratif vient en second lieu.

Finalement, j’ajouterai que la philosophie, pour un croyant, est très importante, car elle pose les mêmes questions que la foi. Je suis d’avis, avec saint Augustin, que « la foi cherche à connaître et que l’intelligence cherche à croire ».

L’être humain se pose bien des questions auxquelles la philosophie cherche à répondre, particulièrement sur le sens de sa vie. On trouve cela en particulier dans la philosophie grecque (Socrate, Platon, Aristote) qui a apporté des réponses intéressantes. La foi peut s’en inspirer pour mieux comprendre ses propres réponses.

Dans l’Église catholique, dès les débuts, ce fut une préoccupation de ceux qu’on appelle les Pères de l’Église. D’autre part, la foi peut apporter un éclairage aux intuitions de la philosophie.  Elle peut enrichir le sens que l’on donne à l’existence. C’est en tous cas l’expérience que j’en ai et qui me permet de concilier foi et raison ou science et foi.

Tels sont quelques-uns des avantages que j’ai tiré de l’apprentissage et de l’enseignement de la philosophie.  Même et surtout à la retraite elle continue à nourrir mon esprit et à mieux interpréter les phénomènes qui se bousculent en ces temps si changeants. Des questions comme les valeurs et les soins de fin de vie ne peuvent trouver réponses dans des sondages, si majoritaires fussent-ils.

Tout change, mais l’esprit bien formé ne perd jamais l’essentiel.

Jean-Marc Vaillancourt
Baccalauréat et maîtrise en philosophie