
Alexandre Le Grand Maître du monde
Je me souviens avoir aimé passionnément mes premiers cours de philosophie. C’était auprès d’Aristote, en 342 av. J-C. Ou était-ce en 344? Enfin, l’important, c’est que ma formation en philosophie ne ressemblait pas à celles d’aujourd’hui.
Disons que j’étudiais surtout les Grecs.
Grâce à la philosophie, je fus rapidement conquis par la culture grecque. Ensuite, vous connaissez l’Histoire : ce fut à mon tour de conquérir pour elle.
Lors de mes nombreuses batailles, j’avoue avoir été grandement inspiré par des philosophes, notamment Hérodote et Xénophon. On pourrait même aller jusqu’à dire que la philosophie m’a été utile lorsque je commandais des génocides, par exemple en alimentant mon insatiable désir de puissance.
Hehe, je rigole. Vous trouvez ça déplacé? Moi aussi. Mais pas pour les mêmes raisons.
À l’époque, nous n’avions pas à trouver une utilité à la philosophie pour la rendre légitime. Pourquoi? Parce qu’elle était bien vue. Parce qu’elle était appréciée. Parce qu’un noble qui n’exerçait pas son esprit n’en était pas un. Bref, parce que l’amour de la connaissance était une valeur primordiale. C’était le coeur de la culture grecque. Et j’aime à penser que le monde entier a pu bénéficier de cette culture, d’une manière ou d’une autre.
Est-ce que la philosophie est utile? Elle le peut. Comme n’importe quelle action ou réflexion dans laquelle on s’engage passionnément. Mais ce qui est important, c’est qu’elle n’a pas à l’être.
Une formation « utile », pour moi, c’est une formation qui conduit à une action précise, par exemple « forger une armure », « construire un temple » ou « se battre au glaive ». Mais la vie elle-même, objet d’étude de la philosophie, n’est pas subordonnée à une action précise. C’est de là que vient son éternelle beauté, mais aussi sa difficulté.
La philosophie a une manière bien à elle d’être utile. Contrairement aux activités que je viens de mentionner, il est extrêmement difficile de prévoir sa « rentabilité ». Et, pour cette raison, il est peut-être préférable de ne pas trop y penser.
Oui, j’ai conquis la quasi-totalité du monde connu à mon époque. Oui, j’ai créé le plus grand empire que l’histoire de l’Occident n’a jamais connu. Oui, je l’ai fait dans ma vingtaine. Mais ces réalisations ne devraient en rien « justifier » la philosophie. Au fond, j’ai aussi commis des atrocités. La philosophie n’a pas besoin d’être justifiée, mais d’être affirmée.
Dans le contexte social, culturel et économique où j’ai grandi, seule une minorité d’aristocrates avait la possibilité de prendre quelques années de leur vie pour exercer leur esprit. J’ignore quel est votre contexte à vous, mais si vous avez cette chance, au nom de ma culture, saisissez-là.
Vous n’aurez sans doute pas l’occasion de conquérir le monde. Mais vous aurez peut-être la chance de vous conquérir vous-mêmes.
Alexandre est l’échec pédagogique d’Aristote.
Lavaleur d’une personne c’est lorsque il mourit, si quelqu’un est encore vivant beaucoup des personnes lui n’eglige.