
Lise Pelletier Coordonnatrice
Quand je dis que j’ai étudié en philo, généralement, ma réponse est accueillie par un silence… Un silence plus ou moins long… assurément riche d’interprétations.
Pourquoi des études en philo? Parce que la philosophie est partout! C’est le seul endroit où on peut toucher aux sciences, à l’esthétique, au discours, à la politique et tout plein d’autres choses plus intéressantes les unes que les autres.
Avec un bagage en littérature et philosophie, je m’attendais à chercher ma voie un certain temps. J’ai essayé plusieurs choses dans l’entreprise privée ou comme travailleuse autonome et aventurière généraliste.
En 1995, j’ai croisé le chemin d’une personne analphabète. Ce fut tout un choc! Imaginer qu’on puisse grandir sans livres autour de soi, avec un seul stylo dans la maison, être limité aux grands titres et photos dans le journal, tout ça me donnait le vertige. De toute évidence, il me fallait faire quelque chose.
C’était l’époque où des postes se fermaient dans les commissions scolaires et que d’autres se créaient dans des groupes communautaires d’alphabétisation populaire nés dans la lignée de Paolo Freire, de la démocratisation de la culture et de la conscientisation. On découvrait l’étendue du problème qui touche 49% de la population du Québec. Des personnes pour qui il est difficile de fonctionner avec la lecture, l’écriture et le calcul dans un environnement de plus en plus technologique. Décoder l’information est une chose, mais la traiter est une tout autre chose!
J’ai obtenu un emploi de formatrice au Groupe en alphabétisation de Montmagny-Nord en 1996. J’ai enseigné et développé plusieurs projets dont certains probablement liés à ma formation en philo, qu’il s’agisse d’explorer la gestion mentale, issue des travaux d’Antoine de La Garanderie (Critique de la raison pédagogique, 1997), ou d’implanter des ateliers de développement du raisonnement logique et des communautés de recherche philosophique, suivant les travaux de Matthew Lipman et avec le support de Michel Sasseville de l’Université Laval. Pour nourrir/développer/éclairer sa pensée et mettre en relation les différents savoirs, il faut pouvoir lire et écrire, c’est incontournable.
Aujourd’hui gestionnaire de l’organisme, je marche dans la même direction, avec le même enthousiasme, la même détermination. Je suis fière et reconnaissante d’avoir une formation intellectuelle qui me permet d’envisager les défis quotidiens de mon travail tant dans leurs aspects quotidiens et relationnels que dans le contexte d’enjeux politiques, sociaux et économiques. Quand je présente un projet, je suis avantagée par ma facilité à concevoir différents points de vue et à argumenter. J’aime toujours réfléchir, échanger, pratiquer, dialoguer, tenter, rêver, oser, évaluer, gérer! Au jour le jour, j’éprouve une grande satisfaction à travailler « avec » les gens et non pas simplement « pour » eux vers un avenir meilleur dans un monde plus juste.